Si vous prenez soin des microbes, les microbes prendront soin de votre gazon.

Traduction de Pascal Van Hollemeersch,
d’après l’article “If you care for microbes, microbes will care for your turf”
Golf Course Management

Si vous prenez soin des microbes, les microbes prendront soin de votre gazon.
La gestion du feutre nécessite plus que des top-dressing et des aérations.
Les greens peuvent être aérés selon différents modes opératoires et avec de nombreuses variantes techniques. Mais en général, les couches de sable et de matière organique vont continuer de s’accumuler au niveau de la zone racinaire et nuire à la santé du gazon. Aérations et sablages ne sont pas les seules réponses pour faire faire face à ce phénomène de stratification du feutre.
La clé est d’assurer un bon développement des microbes dans le feutre et la zone racinaire en général. Plusieurs techniques permettent aux intendants des parcours de golf, et par extension aux techniciens des surfaces engazonnées, de prendre soin des micros organismes du sol afin qu’ils puissent décomposer ce feutre qui contribue à la stratification du sol des greens.

Alimenter la plante.
L’approche traditionnelle de la fertilisation à toujours été de nourrir la plante. Nous analysons la réponse du gazon et les décisions liées à la fertilisation azotée sont basées sur la couleur, la pousse, la période de l’année ou de la fraction d’une dose théorique annuellement prédéterminée. L’apport des autres éléments nutritifs est généralement basé sur les résultats d’analyse de sol. Ce mode opératoire suit en quelque sorte la courbe de croissance du gazon.

POINTS CLÉS
• La stratification des sols des gazons sportifs résulte de la multiplication d’opérations d’entretien réalisées avec plus ou moins de réussite.
• Le sable et les sols contiennent plus ou moins de micros organismes pour s’attaquer au feutre, mais ces microbes de la zone racinaire sont souvent inactifs.
• Ces micros organismes peuvent être activés par des apports d’acides humiques.
• En jetant un coup d’œil aux résultats d’analyse de sol on constate rapidement les éléments dont le sol manque le plus.

La véritable image de la fertilité d’un sol est le triangle du sol qui inclut, en plus du sol et de la plante la population microbienne. A son examen, on peut évaluer l’efficience de la gestion du sol, en effet, les microbes rendent disponibles pour les plantes tous les nutriments apportés. La population microbienne est responsable des la dégradation de la matière organique, de la production d l’humus et, pour une bonne part de l’aération et de la floculation des agrégats du sol.
La formation de couches dans les substrats très sableux à été un grave problème durant des années et continue à l’être aujourd’hui. Les taux de fertilisants, l’eau, le trafic et les pesticides nécessaires pour maintenir les gazons aux standards actuels sont une arme à double tranchant. Non seulement ces techniques repoussent chaque fois, un peu plus le gazons vers ses limites physiologique mais, ces mêmes facteurs réduisent voire détériorent l’activité biologique du sol.
L’activité microbienne est fortement réduite ou supprimée dans les substrats très sableux.

L’évolution des couches
La matière organique n’est pas complètement à bannir, en effet, depuis des années, il est convenu que 5 ou 6 mm de feutre à la surface des greens permet d’obtenir une résilience et une capacité à retenir les effets donnés aux balles sur les greens construits sur des supports très sableux. Toutefois, lorsque cette strate végétale partiellement décomposé devient fortement comprimée et non poreux à l’air et à l’eau, elle peut rapidement se révéler un problème particulièrement délicat à résoudre. La saturation en eau qui s’opère juste sous la surface restreint le flux d’air vers le système racinaire amorçant la formation d’une couche noire à la faveur de conditions anaérobiques.
A partir de ce moment, la matière organique continue de s’accumuler en raison de l’absence de vie microbienne dans ce milieu anaérobique, ce qui empêche la bonne ventilation du substrat. Des top-dressing et des aérations peuvent limiter les effets néfastes d’un tel système en apportant de l’air dans la couche de feutre, mais cela n’est pas suffisant.
L’objectif étant de mettre en place des greens le plus rapidement possible, des quantités importantes de fertilisants et d’eau sont appliquées pour activer le processus. Couplé au mélange très sableux de la zone racinaire on obtient un milieu particulièrement défavorable au développement des micros organismes. Les greens de golf sont par définition de gros producteurs de feutre. Le développement de cette couche de feutre est discernable en amont, bien avant que les symptômes soient visibles à l’œil nu. L’évolution de cette couche n’est pas vraiment visible, jusqu’à ce qu’elle commence à s’assombrir. C’est pourquoi une coupe transversale du profil est préférable à l’utilisation d’un échantillonneur tubulaire. Ces problème de stratification du sol peuvent intervenir rapidement, parfois même quelques mois seulement après le semi. La première saison d’aération est capitale pour enrayer toute accumulation d’un feutre dense.
On pense communément « Ce sont de nouveaux greens construits selon les spécifications de la norme USGA, ils n’y a pas lieu de les aérer pour l’instant, ils ne sont pas compactés ». Hors le compactage n’est qu’une des raisons pour lesquelles on réalise une aération. Le maintien de condition d’aération et de porosité en surface, dans l’horizon racinaire est tout aussi important. Les apports de sable par top dressing doivent être convenablement réalisés pour assurer une parfaite dispersion du sable dans le feutre pour assurer une bonne porosité et réduire l’alternance très marquée entre les couches de sable et les couche de feutre (couches sandwiches).

Nourrir les bactéries
Les sablages ne doivent pas systématiquement tendre vers un horizon 100% sable, sinon on retombe dans les travers qui ont conduit à la formation de feutre en l’absence de vie microbienne. Il est impératif que les responsables de terrains de sports engazonnés développent et maintiennent un environnement qui contribue à une bonne activité microbienne, de sorte que les micro-organismes participent au bon fonctionnement des sols sableux comme ils le feraient dans des sols aux horizons de surface plus fertiles. La présence d’une population bactérienne à qui profite la nourriture provenant des humâtes, des hydrates de carbones et des exsudats racinaires est un gage de fertilité du sol. Ce type de bactéries doit être encouragé dans les substrats très sableux. Lorsque les humâtes et les hydrates de carbone sont régulièrement apportés dans ces supports, ils produisent une source d’alimentation pour les bactéries. Ces dernières transforment la matière organique en des composés dont la forme les rend utilisables pour les plantes et limite l’accumulation de tissus organiques partiellement décomposés. Elles participent en outre au bon fonctionnement du sol et entre dans de nombreux processus de dégradation ou de réorganisation des éléments nutritifs assurant la bonne santé des plantes et l’efficacité des fertilisants. Après avoir initier un programme à base d’hydrates de carbone et d’humâtes, nombre de super-intendants sont capables de réduire les quantité apportées dans les programmes de fertilisation. En fait, cela est dû à une meilleure utilisation des ressources disponibles (matière organique), par une meilleure efficacité des bactéries. Ces programmes produisent tous les mêmes résultats, à savoir la réduction de l’accumulation de la matière organique et de la formation des « couches sandwiches ».
Un nouveau regard sur les analyses de sol
L’activité microbienne a d’autres effets très positifs comme l’élimination des couches noires (en présence d’oxygène bien sûr), ou tout autre problème de sol lié à un déséquilibre et en particulier la saturation des bases. Lorsque l’on interprète des analyses de sol il est courant de regarder les kilos par hectare plutôt que le pourcentage de saturation du sol. Ce pourcentage de saturation révèle pourtant la contribution de chacun de ces cations sur la capacité totale de stockage du sol. Un déséquilibre important des cations, perturbe l’alimentation des plantes car certains éléments ne sont plus disponibles, mais cela inhibe également le développement des micro-organismes et réduit leur activité comme dans un sol pauvre.
Le ratio calcium/magnésium (Ca/Mg) est la clé du bon équilibre des cations, de la disponibilité des éléments nutritifs et contribue à un environnement idéal pour la vie microbienne. Dans un substrat sableux, on recherchera un taux de calcium d’environ 60% des bases échangeables et un taux de magnésium de 20%. Dans un substrat terre on observera plutôt des valeurs de 70 % pour le calcium et 10 % pour le magnésium. Le point important est qu’ensemble, le calcium et le magnésium doivent représenter au moins 80% de la saturation. Le potassium doit être à 3 à 5%, l’hydrogène à 10 à 15% et le reste des bases à 2 à 4%. En regardant de près les valeurs de votre analyse de sol, cela vous indique également les déséquilibres et la disponibilité des éléments. Connaître la composition de votre sol n’a par contre aucun intérêt si vous ne connaissez pas la disponibilité des éléments.
Conclusion
L’activité microbienne d’un sol est le fondement de la bonne gestion d’un sol et de la santé des plantes. Conduire son entretien dans ce sans n’est ni compliqué, ni onéreux. Cela demande juste un programme de fertilisation adapté qui prend en compte les trois sommets du triangle Sol/Plante/Vie Microbienne. En analysant votre programme, vous constaterez que les engrais et les pesticides deviendront moins importants au regard des bénéfices que vous pouvez retirer d’un bon management de votre sol et de ses micro-organismes.
Bud WHITE – Ingénieur agronome et consultant chez Total Tuf Service Inc.