Un sentiment de Fierté

Un sentiment de Fierté

Un intendant expérimenté nous donne quelques astuces pour former la prochaine génération d’intendants et de jardiniers.

Les intendants de terrain de golf doivent être beaucoup plus que des managers de gazon. Tantôt météorologues, tantôt chargé des relations publiques ou géomètre. Nos attributions peuvent s’étendre à des tâches de secrétariat et de gestion des dossiers personnels du staff ou de conseil aux golfeurs qui jouent sur le parcours.

Mais la plupart d’entre nous ont choisi cette profession parce que nous aimons la nature et le grand air, et par dessus tout l’amour du travail bien fait. Travailler sur un parcours de golf, avec un désir de marcher en plein air et éviter d’être assis derrière un bureau toute la journée. Nous n’embrassons pas ces carrières pour devenir riches mais pour nous épanouir.

La qualité essentielle pour un intendant, je crois, est un sentiment de fierté du travail bien fait. Nous entendons des plaintes et des réclamations plus souvent que des compliments, mais je pense que la notion de fierté est bien plus présente que pour nombre de professions. Tout le monde ne termine pas sa journée en se retournant et en se disant : « C’est pas mal, on a fait du bon boulot. »

Toutes ces innombrables heures passées sous un soleil ardent ou dans le froid des hivers toujours tops longs, après des inondations ou des tempêtes dévastatrices, ou encore lors de la négociation des budgets endurcissent l’homme. La fierté du résultat n’en est que plus méritée surtout avec des équipes réduites.

On m’a enseigné de toujours produire un travail de qualité dont tout le monde, les membres du staff comme les golfeurs, pourrait être fier.

Pourtant il devient de plus en plus difficile de trouver des salariés désirant bien travailler tout simplement. Sans parler d’être fier de son travail. Les candidats semblent en premier lieu intéressés par le salaire et les conditions matérielles du poste, si possible pour moins de travail. Je prêche la fierté du travail à tous les salariés du club, pour les jardiniers et le mécanicien, j’aborde le sujet dès les entretiens d’embauche et fait le point sur le sujet avec chacun d’entre eux lors des entretiens annuels d’évaluation. Je pense que c’est une aide précieuse pour un travail réussi. Je fais remonter en permanence les critiques et les doléances des golfeurs pour que tout le monde comprenne que la qualité passe par des bunkers bien ratissés ou des bandes de tonte parfaitement rectilignes.

Les cinq points que je considère les plus importants pour pouvoir être fier de sont travail sur un parcours de golf sont les suivants :

Tondre au cordeau :

Tout le monde sait comment ne pas faire de virgule avec le pneu intérieur de la triplex à green, occasionnant un arrachement puis une zone dégarnie dans le tapis végétal autour du green. Pourtant il est si simple, avec un peu de précipitation de prendre des virages serrés et de dégrader le tour du green. La remise en état prendra bien plus de temps qu’il n’en a fallu pour occasionner les dégâts.

Sans doute personne, hormis l’intendant, personne ne s’apercevra que certains fairways sont tondus de droite à gauche alors que d’autres sont tondus de gauche à droite, ou que les bandes de tonte ne sont pas toutes droites, cela ne rend pas ces imperfections acceptables pour autant. Un peu de concentration et d’implication permet d’éviter ces désagréments. Un peu de fierté aide à fournir un travail de qualité.
Ce même sentiment de fierté lorsqu’on regarde le green que l’on vient juste de terminer et on sait qu’en plus d’être bon, ce green sera beau.
Dès lors on ne peu pas imaginer faire un autre métier.

Fignoler les lèvres de bunkers :

Le ratissage des bunkers est l’une des tâches les plus simples à réaliser dans l’entretien des parcours de golfs. Le faire correctement devient beaucoup plus difficile qu’il n’y parait. Les jardiniers ont parfois la fâcheuse habitude de déchirer la lèvre du bunker en passant trop près avec le râteau à bunkers pour avoir le moins de finition à la main. Pourtant le travail est le même pour ratisser les 30 centimètres qui restent ou les trois centimètres qui ont par endroit occasionnés un arrachement de la lèvre.
Je recommande aux jardiniers de ne pas entrer et sortir des bunkers à la même place a chaque fois. On fini par obtenir des zones de passage plus usées, et une accumulation du sable sur les mêmes zones. Les bunkers s’en trouvent déformés. Bien que simple, la finition des bordures à la main est l’un des travaux les plus fastidieux sur un parcours de golf. Si le travail est réalisé à plusieurs, celui qui ratisse à la machine doit donner un coup de main aux autres jardiniers pour la finition.
Cela aide à comprendre les conséquences des mauvaises habitudes de ratissage.
A l’instar de ce que l’on a dit pour les greens, un bunker bien ratissé en plus d’être un bon bunker est également un beau bunker. Au-delà de la fierté du travail bien fait, un entretien soigné des lèvres de bunker leur assure une plus grande longévité.

Ramasser les détritus :

Tous les Intendant savent l’importance de ramasser les détritus et les papiers lors des opérations d’entretien. Il est plus facile de descendre de la machine pour ramasser un morceau de papier ou une bouteille que d’attendre la fin de la journée pour faire le tour des détritus aperçus ou de ramasser les cinquante morceaux déchiquetés par la tondeuse.
Lorsque les piquets ne sont pas déplacés par le tondeur, il faut passer plus tard pour faire les finitions à la débroussailleuse. Il aurait été beaucoup plus facile de les déplacer lors de la tonte pour obtenir un travail satisfaisant.
Le golf de Carey Park est le parcours public de Hutchinson. Le périmètre est en parti délimité par un câble supporté par des poteaux en bois. La partie extérieure est entretenue par une autre équipe d’entretien des espaces verts, et chaque année, à plusieurs reprises, mon équipe est obligée de remette le câble en état et de réparer les poteaux cassés par leurs tondeuses. Je ne dis pas que nous même ne cassons jamais de poteaux mais cela reste très rare comparé aux équipes extérieures et dans tous les cas, la remise en état est immédiate. Nous avons même trouvé une lame entière de tondeuse dans cette zone, à l’extérieur les câbles. Visiblement l’opérateur ne s’était aperçu de rien. Pour éviter tous ces problèmes, nous avons décidé d’assurer nous même l’entretien immédiat du câble et des poteaux.

Astiquer le matériel :

Je souhaite qu’au démarrage de chaque nouvelle saison, le printemps soit le prétexte à un coup de jeune et de neuf sur l’ensemble des installations. Tout équipement avec une peinture ternie ou écaillée est retouché ou repeint, en fonction de l’État. Je pense que les mécaniciens et les jardiniers prendront plus soin des machines si elles sont en bon état de marche et si elles sont propres et pimpantes. Chaque hiver, nous remplaçons tous les roulements des cylindres des tondeuses avant de les affuter. Cet entretien préventif réduit le nombre de roulements qui sont à changer durant la haute saison. Bien nettoyer le matériel après usage est également important. Faire tourner manuellement les cylindres lors du nettoyage permet de les maintenir en bon état plus longtemps et facilite les opérations de maintenance du mécanicien. Au même titre que les intendants sont fiers du travail sur le parcours, les mécaniciens sont en général fiers du résultat lorsque le matériel est propre et en bon état.
Parfois, le remplacement de certaines machines obsolètes est difficile à obtenir si d’aspect et d’usage elles semblent bien plus jeunes que dans la réalité. Il faudra justifier ce remplacement par le cout de l’entretien, l’amélioration de la qualité ou/et du rendement des nouvelles machines ou par la valeur de reprise des matériels à changer. Les commerciaux des firmes de vente de matériel sauront que votre machine a toujours été entretenue dans les meilleures conditions. Il n’est pas rare de rencontrer des joueurs ou des membres du comité qui pense voir une nouvelle machine alors qu’ils ont devant eux une tondeuse de 6 ou 7 ans d’âge, bien entretenue. Cela fait toujours plaisir.
Une peinture appropriée pour chaque fonction est un élément essentiel de notre travail de maintenance. Chaque hiver, une de nos principales fonctions est de repeindre tous les accessoires de parcours qui ne seront pas remplacés, y compris parfois les mâts des drapeaux, les marques de départs, les piquets et pancartes, les poubelles, les lave-balles, et les râteaux de bunkers. Peindre tous ces éléments tous les ans peut sembler exagéré à beaucoup de gens, mais tout cela se rapporte à la fierté que nous avons de proposer des accessoires en bon état à moindre frais. Il n’est pas très difficile de peindre correctement si le désir de faire un bon travail est là. Je ne veux pas voir de coulures ou de traces, même sur quelque chose d’aussi banal qu’une poubelle. Une manipulation un peu rude ou un transport alors que la peinture n’est pas sèche, conduit à faire deux fois le travail. Tout ce qu’il faut, c’est un peu de patience, et l’amour du travail bien fait. Les gens ne remarquent pas toujours les choses comme ça, que le personnel d’entretien de parcours à fait, mais remarque à coup sûr si cela n’est pas fait. Les golfeurs peuvent ou ne peuvent pas exprimer leurs préoccupations à l’intendant, ils font remonter les doléances via le pro ou le personnel d’accueil, ou tout simplement vont jouer ailleurs sans dire un mot à personne.

Un parcours toujours apprêté

La plupart des intendants essaient toujours de présenter leur parcours sous le meilleur jour. En particulier lors des grandes compétitions et des tournois. Pour embellir le parcours qui est pourtant déjà prêt, on réalise un dernier petit arrosage manuel, on tend les cordes qui canalisent les spectateurs, on vérifie le paillage des massifs juste à l’entrée du club, on range les paniers du practice, on ramasse le papier sur le parking, on cache les câbles de TV. Ces dernières petites retouches prennent un minimum de temps et vous rendent fier d’avoir des joueurs et des visiteurs qui apprécient notre golf. Nous souhaitons tous maintenir des conditions de tournoi tout au long de l’année, mais c’est tout simplement irréalisable pour la plupart d’entre nous. Nous pouvons seulement essayer de présenter un parcours du mieux que nous pouvons avec les moyens qui nous sont donnés.

Si les golfeurs sont fiers de leur parcours, comme l’est leur intendant alors le plus dur est fait.

Matthew Miller – Superintendant à Carey Park Golf Course à Hutchinson (Kansas).
Traduction de Pascal VAN HOLLEMEERSCH – Intendant CAEN et HOULGATE